Genève, Bibliothèque de Genève, Comites Latentes 15
Titre du manuscrit: Psautier liturgique
Période: vers 1335-1345 (cf. G. Freuler) - entre avant 1343 et 1350 (cf. A. Bräm)
Ancienne Cote:
ancienne cote notée sur la garde Iv°: «W. MSS. 71»
Support: Papier et parchemin
Volume:
(I-II) gardes ant. (en papier) + (III) garde ant. (en parchemin) + 108 folios (en parchemin) + (IV-V) gardes post. (en papier).
Format: 177 x 135 mm
Numérotation des pages: Foliotation moderne au crayon. Il manque un folio entre les f° 37-38, 56-57, 69-70, 80-81, 88-89 ; et les f°59 -60 -61 devraient être placés à la suite du f° 108.
Composition des cahiers: 3 quinions + 1 quinion incomplet (- f° 8) + 1 quinion + 1 quinion incomplet (- f° 8) + 1 folio (mal placé) + 1 bifeuillet (mal placé) + 1 quinion incomplet (- f° 9) + 1 quinion + 1 quinion incomplet (- f° 1 et 10) + 2 quinions. Traces de signature F au 5ème cahier, ce qui implique que le 1er cahier conservé devait être signé B, et donc précédé d’un cahier A disparu.
Etat: Le manuscrit est conservé dans une boîte en forme de livre de reliure rouge.
Mise en page:
Réclames aux f° 10v°, 20v°, 30v°, 39v°, 49v°, 58v°, 70v°, 80v°, 98v°, 108v°. Réglure à la mine de plomb, parfois effacée. Deux colonnes de 105 x 38 mm chacune. 26 lignes.
Type d'écritures et copistes:
- Manuscrit décoré par Cristoforo Orimina, enlumineur actif à Naples dans les années 1335-1355 (cf. A. Perriccioli Saggese), qui s’est inspiré du style du napolitain Roberto d’Oderisio.
- Écriture gothique rotonda.
Décoration:
- Psautier très richement illustré à chaque page ; seules deux pages sont restées sans décor (le bifeuillet 24v° et 27r°). Le décor se résume ainsi : 6 grandes peintures dont trois sont des initiales historiées et trois autres non + 180 autres initiales historiées + un riche décor marginal + des armoiries (voir à Marques de possesseurs).
- Six grandes peintures:
- f° 2r° : initiale B du ps. 1 ornée de six scènes représentant la Création;
- f° 2r° : le bas de la page du ps. 1 est décoré d’une bande de huit vignettes illustrant la vie érémitique;
- f° 18v° : initiale D du ps. 26 ornée de quatre scènes représentant le Christ guérissant l’aveugle;
- f° 29r° : initiale D du ps. 38 ornée de quatre scènes représentant chaque fois un saint agenouillé devant le Christ et ses apôtres : deux fois un roi imberbe, une fois un roi barbu tenant un livre (David ?), une fois un homme imberbe;
- f° 46v° : bande de trois vignettes placées en tête du ps. 68 représentant David nu dans l’eau implorant le secours de Dieu, puis sauvé de l’eau, puis vêtu et agenouillé devant le Christ et ses apôtres;
- f° 79v° : bande ornée de deux scènes placées en tête du ps. 109 représentant deux mandorles entourées des anges ; dans chaque mandorle le Père et le Fils sont assis côte à côte, dans l’une le Père entoure le Fils de son bras, dans l’autre le Père tient le diable enchaîné.
- Selon la division liturgique du psautier, les psaumes 1, 26, 38, 52, 68, 80, 97, 109 sont indiqués par un signalement particulier. Le début des psaumes 52, 80 et 97 devait être également richement décoré et orné d’armoiries mais les folios manquent.
- Initiales historiées: le début de chaque psaume, de chaque cantique et de certaines hymnes est orné d’une initiale historiée sur fond or (plusieurs initiales pour le long ps. 118). Les frères franciscains sont représentés plusieurs fois, soit en train de chanter (f° 69r° : ps. 95 / f° 101v° : ps. 149 / f° 105v° : Audite caeli), soit sous la personne d’un saint franciscain confessant un laïc (f° 102v° : Confitebor tibi), soit agenouillés devant le Christ les bénissant (f° 59v° : Magnificat) ; des religieuses (des Clarisses ?) sont également représentées agenouillées devant le Christ (f° 59v° : Nunc dimittis / f° 60r° : Pater noster).
- Selon G. Freuler et A. Bräm, il s’agit d’une œuvre de jeunesse de Cristoforo Orimina. Pour G. Freuler, le travail a été interrompu et repris ; il est marqué par deux phases stylistiques distinctes, une archaïque et une gothique-courtoise. Pour A. Bräm, beaucoup de thèmes illustrés dans les initiales sont à chercher dans les psautiers carolingiens d’Utrecht et de Stuttgart, et ce psautier est isolé en Italie.
- Décor marginal: chaque colonne de texte est encadrée d’une bande décorative complète, chaque page présente donc deux bandes horizontales et trois bandes verticales ; les bandes colorées (orange, bleu, vert, mauve) sont remplies de personnages, d’animaux, de végétaux, de grotesques et de pastilles d’or, et foisonnent de fantaisie. Changement du décor marginal à partir du f° 89r°.
Ajouts:
Inscriptions sur les gardes antérieures :
- I v° : diverses inscriptions notées au crayon;
- II v° : « Livre le plus singulier / le plus curieux qui existe / dans ce genre il est semblable / à celui de la Bibliothèque (du Roi : mot suscrit) fait (exécuté : mot suscrit) à Florence / et dont on fait le plus grand cas » (écriture XVIII-XIXe s.);
- III r° : « Manuscrit du 13ème siècle / 455 francs, 24 novembre 1811 ».
- f° 18v° : deux écus superposés encadrés par deux anges et deux perroquets ; premier écu resté vide ; l’autre est parti d’argent au lion de gueules, au lambel d’azur à trois pendants (famille d’Armagnac), et d’or à la fasce de sable (non identifié) ;
- f° 24r° : un petit écu d’or avec décor bleu assez effacé et traces d’un lambel ; cet écu semble avoir rajouté plus tard ;
- f° 29r° : deux écus superposés encadrés par deux anges et deux perroquets ; le premier est de gueules à trois lions d’or (famille Talleyrand-Périgord) ; l’autre est d’argent au lion de gueules, au lambel d’azur à trois pendants (famille d’Armagnac) ;
- f° 46v° : un écu d’argent au lion de gueules, au lambel d’azur à trois pendants (famille d’Armagnac), encadré par deux hommes et deux oiseaux ;
- f° 79v° : deux écus juxtaposés encadrés chacun de deux oiseaux ; le premier est d’or à la fasce de sable (non identifié) ; l’autre est d’argent au lion de gueules, au lambel d’azur à trois pendants (famille d’Armagnac).
Reliure:
La reliure est actuellement détachée de l’ouvrage. Reliure des années 1800 en veau brun clair. Les deux plats sont ornés sur leur pourtour d’une frise dorée. Le dos est orné de cinq compartiments dorés et d’un sixième recouvert de cuir rouge portant l’inscription Manuscrit en lettres dorées. Doré sur tranches. Tranchefiles. Contregardes en papier marbré bleuté. Filigrane sur le papier de la garde postérieure : « Buges » (nom d’une ville de France, département du Loiret, où une manufacture de papier a été créée en 1788). Ex-libris de la collection privée des "Comites latentes" collée sur le contreplat inférieur, portant la devise : Nasce a guisa di rampollo a pie del vero il dubbio (citation des vers 130-131 du chant 4 du Paradis, de la Divine Comédie de Dante).
Sommaire:
Il s’agit d’un psautier liturgique (les psaumes sont encadrés d’hymnes et d’antiennes) organisé selon l’office romain. Manuscrit incomplet : le premier folio conservé contient des invitatoires, des hymnes et des antiennes; il devait être précédé d’un calendrier ; à partir du f° 2, les psaumes sont copiés de 1 à 150 sans numérotation, et sont suivis de dix cantiques, du Pater Noster, de deux hymnes et de trois symboles de la foi ; la suite manque. Le manuscrit d’origine peut avoir été un livre liturgique constitué d’un calendrier, d’un psautier, de cantiques et litanies, ou avoir été un bréviaire dont il ne resterait que le psautier.
- Invitatoires, hymnes, antiennes
-
Psautier
- (f° 2r°-37v°) Du ps. 1 au début du ps. 51; il manque ensuite un folio contenant la fin du ps. 51, les ps. 52 et 53.
- (f° 38r°-56v°) Du ps. 54 au début du ps. 79; il manque ensuite un folio contenant la fin du ps. 79 et le début du ps. 80.
- (f° 57r°-58v°) De la fin du ps. 80 au début du ps. 84; les trois folios suivants (f° 59r°-61v°) sont à lire après le f° 108v°.
- (f° 62r°-69v°) De la suite du ps. 84 au début du ps. 96; il manque ensuite un folio contenant la fin du ps. 96, les ps. 97 et 98.
- (f° 70r°-80v°) Du ps. 99 au début du ps. 111; il manque un folio contenant la fin du ps. 111, le ps. 112 et le début du ps. 113.
- (f° 81r°-88v°) De la fin du ps. 113 au début du ps. 118; il manque ensuite un folio contenant la suite du ps. 118.
- (f° 89r°-102v°) De la fin du ps. 118 au ps. 150.
-
Cantiques bibliques et évangéliques, Pater noster, hymnes, professions de foi
- (f° 102v°) Confitebor tibi, domine (Isaïe 12, 1-6)
- (f° 102v°) Ego dixi in dimidio dierum meorum (Isaïe 38, 10-20)
- (f° 103v°) Exultavit cor meum in domino (I Samuel 2, 1-10)
- (f° 104r°) Cantemus, domino, gloriose enim (Exode 15, 1-19)
- (f° 104v°) Domine, audivi auditionem tuam (Habacuc 3, 2-19)
- (f° 105v°) Audite, caeli, quae loquar (Deutéronome 32, 1-43)
- (f° 107v°) Te deum laudamus (hymne)
- (f° 108r°) Benedicite, omnia opera domini (Daniel 3, 57-88)
- (f° 59r°) Benedictus dominus deus Israël (Luc 1, 68-79)
- (f° 59v°) Magnificat anima mea dominum (Luc 1, 46-55)
- (f° 59v°) Nunc dimittis servum tuum, domine (Luc 2, 29-32)
- (f° 60r°) Pater noster (Matthieu 6, 9-14)
- (f° 60r°) Gloria in excelsis deo (hymne)
- (f° 60v°) Credo in deum, patrem omnipotentem (profession de foi des Apôtres)
- (f° 60v°) Credo in unum deum (profession de foi de Nicée)
- (f° 61r°) Quicumque vult salvus esse (profession de foi de saint Athanase)
Origine du manuscrit:
- Selon Christopher de Hamel, le manuscrit était probablement destiné à un membre de la cour de Naples, peut-être à Jean II d’Armagnac. Né vers 1333, celui-ci a épousé Jeanne de Périgord en 1359 ; il meurt en 1384.
- Selon A. Bräm, le commanditaire était issu de la famille française du cardinal Elie de Talleyrand-Périgord, dont la sœur Agnès avait épousé Jean duc de Durazzo, un frère de Robert d’Anjou qui fut roi de Naples de 1309 à 1343. Ce commanditaire devait apprécier le courant érémitique et franciscain.
- La présence de trois armoiries (Armagnac, non identifié et Talleyrand-Périgord) pourrait s’expliquer, selon G. Freuler, par la mort de l’un des deux conjoints et le remariage du survivant.
Provenance du manuscrit:
- G. Freuler retrace le parcours du manuscrit de la façon suivante : a appartenu à un membre de la cour angevine de Naples;
- 1811 : appartient à Joseph Barrois, Paris;
- 1849 : la collection Barrois est vendue au comte d’Ashburnam;
- 10 juin 1901 : vente Sotheby’s Londres, lot 495;
- collection du baron Vitta;
- 27 juillet 1925 : vente Sotheby’s Londres, lot 222;
- Librairie Quaritch (vente de livres anciens), Londres;
- collection d’Alfred Chester Beatty, Londres;
- 9 mai 1933 : vente Sotheby’s Londres, lot 52 (retour chez Chester Beatty);
Acquisition du manuscrit:
3 décembre 1968: vente Sotheby’s Londres, lot 19 ; acheté par un collectionneur privé qui a déposé à la Bibliothèque de Genève sa collection des « Comites Latentes ».
Bibliographie:
- Catalogue of the manuscripts at Ashburnham Palace, vol. 2, comprising a collection formed by Mons. J. Barrois, Londres, (sans date), n° 167.
- Eric G. Millar, The Library of A. Chester Beatty, vol. 2, Londres, 1930, Catalogue : n° 71, p. 129-141, planches CLIII-CLVI.
- Western Illuminated Manuscripts from the Library of Sir Chester Beatty, Trinity College Dublin, Dublin, 1955, n° 38.
- Catalogue de vente de Sotheby’s, Londres, 3 décembre 1968, lot 19, p. 58-60.
- Christopher De Hamel, Hidden Friends. A loan exhibition of the Comites Latentes collection of illuminated manuscripts from the Bibliothèque publique et universitaire, Geneva. On view at Sotheby’s on the occasion of the Colloque of the Comité International de Paléographie, 20-28 september 1985, London, Sotheby Parke Bernet & Co., 1985, n° 36 du catalogue.
- Gaudenz Freuler, Manifestatori delle cose miracolose. Arte italiana del ‘300 e ‘400 collezioni in Svizzera e nel Liechtenstein, Catalogo di Gaudenz Freuler, Fondazione Thyssen-Bornemisza / Eidolon, 1991, Catalogue : n° 64, p. 174-176.
- Andreas Bräm, « Neapolitanische Trecento-Psalterien », dans The illuminated psalter. Studies in the content, purpose and placement of its images, édité par Frank Olaf Büttner, Ed. Brepols, Turnhout, 2004, p. 193-209.
- Milvia Bollati (étude en cours).
- sur l’enlumineur Cristoforo Orimina: Alessandra Perriccioli Saggese, « Orimina, Cristoforo », dans Dizionario biografico dei miniatori italiani, secoli IX-XVI, édité par Milvia Bollati, Ed. Sylvestre Bonnard, Milan, 2004, p. 838-840.